Haut-lieu du Championnat de Suisse de la spécialité, le RIV (Rallye International du Valais) a marqué plusieurs générations d’équipages, principalement Romands. Six pilotes – par ordre alphabétique le Tessinois Ivan Ballinari, le Jurassien recordman des victoires Olivier Burri, les Valaisans Jean-Marie et son neveu Sébastien Carron, leur compatriote ex-champion de ski Philippe Roux et l’ancien pilote de F1 Bâlois Marc Surer – replongent dans leurs souvenirs pour l’ACS, nouveau partenaire de l’épreuve.
Ci-après Marc Surer.
Un pilote de F1 au départ du Rallye du Valais ? Non, ce n’est pas un scénario de BD digne de Michel Vaillant. Marc Surer ne compte que deux participations à l’épreuve Valaisanne, mais il est bien le seul à y être venu depuis le paddock des Grands Prix. Le Bâlois écumait alors les circuits du monde au sein de l’écurie Arrows lorsqu’il commença à tâter du rallye, en 1983. Au passage, Surer viendra s’affirmer comme un digne représentant des pilotes Suisse-alémaniques, en minorité dans cette spécialité très Romande qu’est le rallye. Seuls deux d’entre eux, Matthias Schreyer (avec Max Graf sur Alpine-Renault A110) en 1974 et Erwin Keller (avec Roni Hofmann sur Mitsubishi Galant VR4) en 1991 se sont d’ailleurs imposés au RIV. Et Schreyer-Graf sont les seuls, avec Patrick Heintz – Roland Scherrer (Subaru Impreza, en 2004) a avoir remporté le titre national.
Mais pourquoi le Rallye du Valais? «c’était assez logique» évoque Marc Surer, «on avait commencé par le Rallye du Gothard avec une Renault 5 Turbo, on était en tête avant d’être contraint à l’abandon, moteur cassé. On ne pouvait pas en rester là. Et pour Michel (Red : Wyder, le coéquipier du Bâlois), valaisan de Martigny, le Rallye du Valais était évidemment le meilleur du monde ! «Tu dois le faire» me disait-il. Le parcours présentait les mêmes caractéristiques que celui du Gothard, avec des montées et des descentes, et je trouvais ça très intéressant, ainsi que le mélange d’épreuves spéciales sur terre et sur asphalte. En course, on était à nouveau en tête, mais on avait un problème avec le limiteur de régime, il fallait lever le pied sur les bosses pour éviter que le moteur s’emballe, et le turbo avait un tel temps de réponse qu’il continuait de souffler pendant au moins une seconde ! Le moteur n’a pas tenu…».
Deux courses en tête pour rien. «C’était rageant ! On est donc revenus l’année suivante, en 1984, cette fois avec un moteur d’usine évolué. On avait terminé la première journée en tête, mais le lendemain on a crevé, et on a du faire huit km sur la jante. On termine quand-même 3ème , derrière l’Allemand Harald Demuth sur son Audi Quattro et 2ème des Suisse derrière Eric Ferreux (Red : qui scellait avec Serge Audemars le 2ème de ses quatre titres nationaux). J’étais très content, c’était notre premier podium en Suisse...».
C’est bien sur la route que la passion de Marc Surer pour le rallye est née : «J’ai toujours aimé conduire sur la neige, je sortais souvent de nuit pour aller faire la trace dans les environs» dit-il. «Et puis, à la base, c’est aussi parce que je roulais pour de petites équipes en F1 : on n’avait pas les moyens de faire beaucoup d’essais, l’hiver était long, et je voulais piloter !».
En 1985, Surer mettait le rallye en attente : «j’ai eu la chance d’être appelé chez Brabham-BMW pour une bonne partie de la saison. Là j’ai découvert ce que c’était qu’une grande équipe et une voiture rapide (Red : Surer termine 4ème du GP d’Italie à Monza derrière MM Alain Prost, Nelson Piquet et Ayrton Senna, à moins de 3 dixièmes). Mais ce n’était qu’un remplacement, et après ça je n’étais pas très motivé à l’idée de retourner me battre en milieu de peloton...». Heureusement, Marc Surer pouvait compter sur de fidèles partenaires : «j’ai convaincu Barclay de continuer avec moi en endurance et en rallye. Faute d’une bonne F1, je préférais l’endurance (sur une Porsche 962c de l’écuriez Kremer, qu’il allait mener à la victoire avec Manfred Winkelhock aux 1000 Km de Monza 1985) pour vivre de mon métier de pilote, et le rallye pour le fun… mais avec des ambitions, parce que j’avais le feeling que je pouvais bien faire».
Ford – pour qui il avait couru les 24 Heures du Mans en 1982 - ayant stoppé son programme en endurance, le patron de la compétition Peter Ashcroft mettait à disposition de Marc Surer une RS200, un de ces monstrueux bolides du Groupe B, pour ce qui s’annonçait comme une 2ème carrière, semi-professionnelle, en 1986. Hélas, tout s’arrêtait par un triste samedi de juin, au Rallye de Hesse, en Allemagne, lorsque la Ford, déséquilibrée à haute vitesse par une crevaison lente, venait littéralement s’exploser dans un bouquet d’arbre. Si Marc Surer, grièvement blessé, s’en sortait vivant par miracle, après de multiples opérations et de longs mois de convalescence, Michel Wyder avait hélas moins de chance.
Quelques 40 ans après, malgré cette terrible épreuve, le Bâlois reste un fan de rallye, «parce que c’est ce qui me plaît : le pilote compte autant que la voiture dans le résultat, je dirais que c’est du 50/50. Alors qu’en F1, c’est plutôt 70 % - ou même plus - pour la voiture...».
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Figurant parmi les grands événements sportifs du «Vieux Pays», le Rallye international du Valais (RIV) vivra sa 94e édition du 24 au 26 octobre prochains. Une édition qui scellera un nouveau partenariat avec l’Automobile Club de Suisse.
Texte: Mario Luini
Images: @ARC