Entretien avec Jürg Röthlisberger sur STEP

Les routes nationales : un pilier de la mobilité

Le 24 novembre 2024, nous nous exprimons aux urnes sur l'étape d'aménagement 2023 du Programme de développement stratégique (PRODES) des routes nationales. Les investissements à hauteur de CHF 5,3 milliards, planifiés par la Confédération, doivent être affectés à six projets régionaux pour l'élimination de goulets d'étranglement. Ils serviront à maintenir la fonctionnalité de notre réseau de routes nationales. Un OUI à ce projet de loi est d’importance capitale pour l’avenir de notre réseau de routes.

Nous avons questionné Jürg Röthlisberger, directeur de l’Office fédéral des routes (OFROU) au sujet de l’importance et de la nécessité de la suppression prévue des goulets d’étranglement.

Jürg Röthlisberger, directeur de l’Office fédéral des routes (OFROU, durant son intervention sur la thématique PRODES lors de l’Assemblée des délégués de l’ACS du 3 mai 2024
Jürg Röthlisberger, directeur de l’Office fédéral des routes (OFROU, durant son intervention sur la thématique PRODES lors de l’Assemblée des délégués de l’ACS du 3 mai 2024

Monsieur Röthlisberger, quel rôle et quelle importance ont les routes nationales dans notre système de transport ?

Les routes nationales sont les piliers du trafic routier et de la mobilité dans son ensemble. Sur 3 % environ de l’ensemble du réseau routier, se déroulent plus de 40 % du transport de personnes et plus de 70 % du transport de marchandises. La plupart des conducteurs utilisent l’autoroute pour des trajets régionaux. Elles soulagent ainsi les villes et les agglomérations du trafic d’évitement. En raison de l’augmentation du trafic des dernières années, on rencontre de plus en plus d’embouteillages sur les autoroutes. Par conséquent, un trafic d’évitement se met en place sur les routes cantonales, communales et de quartier. Les autoroutes perdent de plus en plus leur fonction principale de drainage en faveur des localités et des agglomérations.

Un volume d’investissements de 5,3 milliards de francs est prévu pour l’étape d’aménagement du PRODES. Comment ces fonds sont-ils utilisés ?

D’ici 2030, nous voulons améliorer avant tout le flux de trafic et la compatibilité avec les autoroutes dans les agglomérations urbaines. Car presque la moitié des embouteillages se produit autour des centres urbains de la Suisse - avec pour conséquence que le trafic d'évitement se fraie un chemin à travers les villes, les communes et les quartiers. Pour cette raison, l’étape d’aménagement 2023 prévoit six projets : A1 Wankdorf – Schönbühl, A1 Schönbühl – Kirchberg, A1 tunnel du Rosenberg à Saint-Gall, A2 Tunnel du Rhin à Bâle, A4 tunnel du Fäsenstaub à Schaffhouse et A1 le Vengeron-Nyon dans les cantons de Genève et de Vaud. Ces projets favoriseront un meilleur flux de la circulation, réduiront le trafic d’évitement indésirable et augmenteront aussi bien la sécurité routière que la robustesse du réseau.

A1 Schönbühl – Kirchberg
A1 Schönbühl – Kirchberg
A4 Schaffhausen
A4 Schaffhausen

Pourquoi ces investissements dans notre réseau de routes nationales sont indispensables ?

Depuis 1990, le volume du trafic sur les routes nationales a plus que doublé et cette augmentation est fortement ressentie. Aujourd’hui déjà, en de nombreux endroits, le réseau des routes nationales est fortement sollicité, voire surchargé. Il en résulte plus de 40'000 heures d’embouteillage par an et des pertes économiques de trois milliards de francs. Sans contre-mesures qui vont d'une meilleure utilisation des routes avec une gestion du trafic jusqu’à des aménagements ponctuels, un quart des routes nationales seront régulièrement saturées en 2040. Les conséquences seraient davantage de trafic d’évitement pesant sur la population dans les agglomérations, les communes et les quartiers ainsi qu’une diminution de la qualité de vie des personnes concernées. De plus, nous souhaitons rendre le réseau des routes nationales plus robuste et plus facile à entretenir. Ces aménagements permettent non seulement de fluidifier le trafic sur l’autoroute, mais également de remettre en état les infrastructures de tunnel existantes à Schaffhouse et à Saint-Gall sans provoquer un infarctus de la circulation.

Le mythe que plus de routes entraînent davantage de circulation perdure obstinément. Les projets planifiés entraînent-ils réellement une augmentation du trafic ?

Nous n’ajoutons pas un seul mètre de route nouvelle, mais aménageons ponctuellement des autoroutes existantes. Il est important de souligner que le nombre de personnes-kilomètres parcourus sur les routes continuera d'augmenter. Nous ne construisons donc pas des routes en provision, mais réagissons à une demande accrue en aménageant ponctuellement les routes existantes. Ces aménagements nous permettront de diriger le trafic routier où il doit être, à savoir sur l’autoroute. Un trafic accru sur l’autoroute n’est donc pas un effet secondaire négatif, mais un effet escompté. L’aménagement du contournement nord de Zurich en est, parmi d’autres, un excellent exemple : depuis la mise en service du troisième tube du tunnel du Gubrist, les heures d'embouteillage ont nettement diminué, de même que le nombre d'accidents. Par la suite, le trafic s'est redéplacé sur l'autoroute, les routes cantonales et communales ont été ponctuellement délestées jusqu'à 20 %. C'est un effet massif et très concret de gain de sécurité pour tous les usagers de la route.

Quelles sont les préoccupations par rapport aux suppressions de goulets d’étranglement prévues auxquelles l’OFROU est confronté le plus souvent ?

Les surfaces d’assolement constituent un sujet important, ce qui est concevable. Comme trois des six projets comprennent la construction de tunnels, nous en avons besoin de relativement peu, soit environ 8 hectares. Les surfaces correspondantes sont compensées à 100 %. Dans les discussions autour du développement, un aspect est particulièrement signifiant : ce sont les réserves fondamentales à l'égard du trafic routier et la logique en termes d'exclusivité. On entend bien trop souvent « il n’y a qu’à ». Il faudrait juste promouvoir les transports publics et le vélo ou encore favoriser le travail à domicile pour résoudre les problèmes de transports. Malheureusement, la réalité n’obéit pas à des postulats aussi simples. Elle demande plutôt que nous tirions d'une part plus d'efficacité des offres et des possibilités technologiques existantes et que nous exploitions les opportunités de la numérisation et de l'électrification. À ce propos, je pense principalement à la conduite automatisée et à l'électrification du parc automobile. D’autre part, nous devons développer ponctuellement les infrastructures de transport (route et rail). La mobilité du futur requiert les meilleures idées et les solutions techniques les plus efficaces. En revanche, l’immobilité n’est pas une réponse aux défis à venir.

Les investissements planifiés pour la suppression des goulets d’étranglement ont justement pour but d’améliorer le flux de trafic sur les routes nationales. Qui en profite ?

Tous les usagers en profitent, de manière directe ou indirecte – de l’automobiliste sur les routes nationales jusqu’à l’enfant sur son chemin de l’école en passant par le chauffeur du bus dans une agglomération et le cycliste sur une route communale. En augmentant le flux de trafic sur les routes nationales, nous désencombrons les routes cantonales et communales ainsi que les rues de quartiers. Parallèlement, la sécurité routière sur ces voies est augmentée. En outre, le désengorgement de ces routes libère de l'espace pour la poursuite du développement des transports publics, de la marche à pied et du vélo. La qualité de vie des habitants dans les localités et les régions touchées par le trafic s'améliorera donc de manière générale.

Quelles conséquences aurait un rejet du projet de loi par la population ?

Un NON signifierait que nous ne pourrions pas réaliser les six projets d’étape d'aménagement 2023. Les autres projets de développement visant à désengorger les villages et les agglomérations seraient ainsi très fortement remis en question. Nous sommes convaincus que l’immobilité en matière de développement des infrastructures est une très mauvaise réponse à la dynamique de l’économie et de la société. Nous sommes donc convaincus de pouvoir démontrer à l'électorat les avantages d'un réseau de routes nationales qui fonctionne sur le long terme.

Entretien : Carolin Kiefer
Images : Markus Rutishauser/ASTRA

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