Pour atteindre les objectifs climatiques ambitieux, en parallèle à l'électrification des propulsions automobiles, des carburants synthétiques pour les moteurs à combustion seront nécessaires. L’entreprise Hotz Racing AG a démontré le potentiel considérable de réduction de C O 2 par l’utilisation de synfuels, aussi bien pour des voitures de course que pour des voitures en production de masse.
Depuis plusieurs années déjà, la production automobile utilise de nouveaux matériaux biosourcés comme composants de revêtement, de finition ou d'isolation acoustique et thermique dans l'habitacle. En revanche, les matières premières biogènes, à savoir des matières premières agricoles et forestières d'origine végétale et les matières premières d'origine animale, n’ont pas encore pu s’établir jusqu’à présent. Aussi bien les HVO, huiles végétales hydrogénées que l'E85, carburant composé de 85% de bioéthanol et de 15% d'essence 95-ROZ ou le biométhane issu de déchets biologiques fermentés et de résidus végétaux ou animaux, font actuellement figure de parent pauvre aux stations d’essence.
Pourtant, les carburants synthétiques de toutes sortes auraient un énorme potentiel pour défossiliser les motorisations de véhicules. D’une part, ils pourraient permettre de garder leur mobilité aux moyens de transport tels qu’utilitaires lourds, bateaux ou avions, impossibles à équiper de batteries lourdes de plusieurs tonnes. D’autre part, l'énorme parc de véhicules à moteur à combustion encore existant pourrait être exploité en peu de temps avec un faible taux de CO 2 . Car à l’évidence, ces véhicules rouleront encore pendant des décennies sur nos routes.
Les amateurs de voitures anciennes et les férus de courses automobiles notamment accueilleraient les synfuels avec enthousiasme. Car en effet, ici comme ailleurs, le passage de groupes motopropulseurs thermiques à des groupes motopropulseurs électriques ne représente pas une alternative équivalente.
Lors de la course de côte d’Oberhallau SH, qui avait lieu le dernier weekend du mois d’août, un nouveau carburant synthétique à base biologique devait prouver qu'il pourra alimenter aussi bien les moteurs de voitures de course que les moteurs de voitures de tourisme tout à fait ordinaires – et que ce faisant, très peu d’émissions de CO 2 et d’émissions polluantes seraient générées.
Les forces motrices de ce projet Synfuels et des courses de démonstration sur le parcours de montagne sont Markus Hotz, ancien pilote de course et fondateur de Horag Hotz Racing AG à Sulgen TG, Fredy Lienhard, ex-pilote de course et fondateur de l’Erlebniswelt Autobau à Romanshorn ainsi que Mario Illien, un touche-à-tout de renommée mondiale, développeur de moteurs pour la Formule 1 et de nombreuses autres séries de courses, depuis de nombreuses années, et fondateur d'Ilmor Engineering, dont les sièges se trouvent en Angleterre et dans le Michigan, aux États-Unis. Non moins connus : les deux pilotes de course Neel Jani et Marcel Fässler ont pris le volant aux fins de démonstrations à Hallau, dans le canton de Schaffhouse.
Deux prototypes d’endurance LMP3 avec un V8 Nissan de 5 litres et un V6 Ford, ainsi qu'un prototype sportif équipé du moteur 1,6 l turbo essence de la Peugeot 308 étaient utilisés pour atteindre cet objectif. L’équipe Horag mettait dans ces voitures un carburant synthétique issu de déchets biologiques, censé faire fonctionner les moteurs avec un bilan CO 2 neutre à 80%. Pour ce gala du sport automobile à Oberhallau, Hotz et Ilien ont fait fabriquer 800 litres du nouveau carburant Otto 98-ROZ Eco 100 Pro par la société anglo-allemande P1Fuels. L’essence, fabriquée à partir d’éléments de base totalement exempts d’énergie fossile tels que déchets agricoles et communaux a été testée au banc d'essai chez Ilmor Engineering à Brixworth/Angleterre et a été évaluée comme étonnamment bonne.
Le processus de production se déroule selon le principe Ethanol-to-Gasoline . En principe, les synfuels peuvent être produits soit avec des biocarburants de deuxième génération, soit à grande échelle, dans des régions ensoleillées, avec de l'hydrogène durable issu de l'électrolyse et du CO 2 provenant de l'air ou d'installations industrielles. Dans les deux procédés, la production de carburant utilisable se fait via la méthanisation ou via le procédé Fischer-Tropsch.
À l’EMPA, le carburant biosynthétique qui avait alimenté les voitures d’Autobau et d’Horag lors de la course de côte, a été comparé et analysé au moyen d’analyses réalisées en laboratoire, avec les qualités d’essence fossiles. Selon Christian Bach, chef du département Systèmes de propulsion de véhicules à l'EMPA à Dübendorf, le résultat démontre que les proportions de différents éthers sont, comme on pouvait s'y attendre, nettement plus élevées que pour l'essence fossile. La densité, cependant, est comparable à celle de l’essence fossile. « Mais il s'agit en fait d'une essence pratiquement exempte de fossiles, qui respecte la norme EN288 pour les carburants Otto, à l'exception de la teneur en oxygène ».
Afin de donner une plus grande visibilité à la thématique des carburants synthétiques, dans la société et aussi auprès des politiciens, les promoteurs ont invité plusieurs parlementaires à assister à la course de côte d’Oberhallau. Dans les paddocks, Thomas Hurter, conseiller national et Hannes Germann, conseiller des États ainsi que Sanija Ameti, membre de la direction du parti des Verts libéraux Zurich, se sont inspirés de l’esprit de cette compétition.
Pour Hotz et ses partenaires, il est aussi très important d’établir que la présentation de Synfuels ne vise pas à s'opposer aux voitures électriques à batterie, mais qu'il s'agit avant tout d'un engagement en faveur de l'ouverture technologique. Alors que la mobilité électrique est parfaitement judicieuse pour une activité pendulaire de tous les jours, la voie devrait rester libre pour des solutions techniques alternatives. De nombreux projets actuels dans le monde entier prouvent que les carburants produits de manière synthétique présentent un grand potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour les moyens de transport les plus différents.
Texte: Stephan Hauri
Images : David J. Hotz